Le règlement européen sur le régime Pilote est entré en vigueur le 23 mars 2023. Il a pour objectif de développer le marché de titres financiers sur la blockchain dans le cadre d’une expérimentation à l’échelle de l’UE pour une durée de trois ans, pouvant être prolongée de trois années supplémentaires.
Certains législateurs européens ont déjà apporté « localement » du confort juridique quant à la circulation de titres non cotés sur la technologie des registres distribués, ou DLT (Distributed Ledger Technology). C’est le cas en France avec l’ordonnance du 8 décembre 2017, appelée « Ordonnance blockchain », qui permet la représentation et la transmission de titres financiers dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé.
« L’idée de cette ordonnance était déjà de mettre en place un cadre permettant le développement de solutions au regard de cette nouvelle technologie, tout en bénéficiant d’une sécurité juridique pour des parts de fonds, des titres financiers non cotés et des titres de créances négociables », précise Fanny Thomas, Head Of Legal – Client Agreements à CACEIS.
Le régime Pilote, qui organise le traitement des titres cotés sur DLT au niveau européen, va dans le même sens et permet de lever les obstacles règlementaires qui empêchaient ce déploiement, tout en conservant la sécurité et l’homogénéité du droit européen.
« En élargissant la possibilité et la légalité de la circulation de titres cotés au sein de la DLT, le régime Pilote devrait effectivement permettre un accroissement de la tokenisation des titres financiers », indique Fanny Thomas.
Eliane Méziani, Senior Advisor-Affaires Publiques à CACEIS souligne : « Il est néanmoins prématuré de présager de l’engouement des asset managers et des investisseurs pour ce règlement au regard du peu d’expérience en matière de négociation des crypto-actifs assimilés à des instruments financiers et de services connexes de post-négociation ».
CACEIS, en tant qu’asset servicer, est à l’écoute des attentes des acteurs du marché.« Ceux-ci se posent de nombreuses questions d’ordre juridique, et cela est normal s’agissant d’une expérimentation. Elles sont liées à l’investissement en instruments financiers tokenisés, à la conservation de ces derniers, aux investisseurs visés par l’accès à des fonds investissant sur des instruments financiers tokenisés… », précise Eliane Méziani.
Les cas d’usage pertinents, qui ne manqueront pas d’émerger durant la période expérimentale, permettront sans nul doute aux acteurs du marché de répondre à ces questions et d’apprécier l’intérêt du régime Pilote. Ils donneront aussi l’opportunité aux asset servicers de mieux définir leur offre de services en la matière.
Même si ce premier délai incompressible de trois ans peut sembler long dans l’environnement en perpétuelle innovation de la blockchain, il est une nécessité pour que ce régime transitoire devienne opérationnel.
Cette période devrait notamment permettre l’émergence du règlement / livraison réalisé sur la blockchain (DVP on chain) avec une accélération des travaux des banques centrales européennes à l’échelle des pays et de l’Eurosysteme sur l’Eurodigital.
« Le succès du régime Pilote dépend de l’appétence des acteurs à expérimenter des émissions et des transactions dans des volumes suffisants, et de leur capacité à entrainer l’ensemble du marché dans une logique de transformation », conclut Eliane Méziani.