Les Fonds Européens d'Investissement de Long Terme (FEILT), plus connus sous leur sigle anglais ELTIF, ont pour vocation d’orienter l’épargne vers l’économie réelle. Plus de six ans après leur création, le succès est loin d’être au rendez-vous. Les autorités européennes cherchent à relancer l’attrait de ce véhicule d’investissement.
Les ELTIF ont été introduits par le règlement européen 2015/760 entré en application le 9 décembre 2015. Ces fonds ont pour objectif d'apporter des financements de longue durée à des projets d'infrastructure, à des sociétés non cotées ou à des PME cotées qui émettent des instruments de capitaux propres ou de dette. Ils peuvent être distribués à la fois aux investisseurs professionnels et à ceux de détail, de manière transfrontalière.
Fin 2021, selon l’ESMA, seulement 57 ELTIF avaient été créés au sein de l’Union Européenne (UE) pour un encours total estimé à 2,4 milliards d’euros. Ces fonds sont essentiellement domiciliés dans quatre états membres -France, Italie, Espagne et Luxembourg- et commercialisés quasi exclusivement auprès d’investisseurs professionnels. Le faible montant d’actifs en gestion s’explique principalement par des contraintes importantes liées au processus de distribution des ELTIF et des règles strictes de composition des portefeuilles.
Relancer l’attractivité des ELTIF et leur donner une nouvelle envergure pour attirer les épargnants dans les investissements à long terme dans l’économie réelle : c’est le défi que souhaite relever Bruxelles. Comment ? En envisageant une refonte du règlement ELTIF. Dans cette optique, la Commission européenne (CE) a lancé une consultation publique entre octobre 2020 et février 2021 afin de recueillir les opinions des acteurs de l’industrie sur l’application du règlement ELTIF et les perspectives de ce régime.
A l’issue de cette consultation, et à l’appui des résultats, la Commission a proposé plusieurs allègements de restriction dans son projet de règlement présenté le 25 novembre 2021, notamment de supprimer le seuil minimal d’entrée de 10 000 euros imposé aux investisseurs de détail et l’obligation de ne pas investir plus de 10% de son portefeuille financier dans des fonds ELTIF quand celui-ci est inférieur à 500 000 euros.
« Le but recherché est de supprimer les dispositions règlementaires qui ont clairement contrarié l’accès des investisseurs de détail à ce type de fonds », explique Eliane Méziani, Senior Advisor – Public Affairs à CACEIS.
D’autres points de la réforme proposent également d’assouplir les règles des fonds ELTIF distribués uniquement aux investisseurs professionnels. Les actifs éligibles pourront ainsi inclure des investissements dans des actifs réels à partir de 1 million d’euros et certains investissements dans des pays tiers. La CE compte aussi relever de 500 millions à un milliard d’euros, le plafond de capitalisation boursière des émetteurs cotés dans lesquels ces fonds peuvent investir.
Le 25 mai dernier, le Conseil européen a adopté une position qui confirme les axes présentés ci-dessus. Celle-ci valide le rôle important des ELTIF pour aider à financer les petites et moyennes entreprises (PME), contribuer au financement des transitions écologique et numérique et à l'approfondissement de l’Union des Marchés des Capitaux (UMC). Les négociations avec le Parlement européen devraient désormais permettre d’obtenir rapidement un accord sur une version définitive du texte.
« Le nouveau régime envisagé devrait améliorer la flexibilité des fonds ELTIF et les rendre plus attractifs », confirme Valéry Théry, Group Product Manager. « A CACEIS, et plus particulièrement au sein de la ligne métier PERES (Private Equity Real Estate Solutions), nous avons l’ambition de suivre et d’accompagner cette refonte prometteuse des fonds ELTIF dont une dizaine sont déjà déposés et conservés dans nos livres».
Les ELTIF ont en effet plusieurs avantages pour les clients :
- Un label européen entièrement harmonisé qui permet une distribution des ELTIF à l'échelle de l'UE, sur la base d'un passeport, aux investisseurs professionnels et de détail. En comparaison, les fonds alternatifs relevant de la directive 2011/61/UE sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs (la directive AIFMD) ne peuvent être commercialisés qu'auprès d'investisseurs professionnels, alors que la commercialisation des fonds alternatifs auprès des investisseurs de détail est soumise aux règles nationales ;
- Les règles relatives aux ELTIF peuvent permettre, dans certains cas, de résister à la volatilité du marché en raison de leur nature fermée (closed end funds) et de leur orientation à long terme. Elles peuvent également impliquer des traitements fiscaux nationaux préférentiels pour les investisseurs d’ELTIF en fonction des lois fiscales nationales applicables ;
- Les ELTIF peuvent aussi représenter une voie plus sûre pour les investisseurs intéressés par les placements en private equity (capital investissement), tout en présentant un profil de risque plus faible que les fonds purs de private equity.
En conclusion:
Dans un contexte de reprise économique post-COVID, les ELTIF représentent une solution plus que jamais d’actualité pour répondre aux besoins de financement d'actifs à long terme et assurer la transition vers une économie plus durable et numérique et ainsi la mise en œuvre du Green Deal européen. Par conséquent, tout porte à croire que la dynamique récemment observée sur le marché des ELTIF va se poursuivre.
Il convient d’ajouter que le Royaume-Uni entreprend également une revue du régime de ses fonds d’investissement à long terme : les « LTAF » (Long Term Asset Funds) entrent dans le cadre de la politique gouvernementale de relance économique suite à la crise sanitaire.
« Le sujet fiscal demeure néanmoins un point épineux pour nos législateurs européens », précise Eliane Méziani, « la fiscalité relevant en effet de la compétence des Etats membres ». A titre d’exemple, le marché italien des ELTIF est dominé par les investisseurs privés, qui bénéficient d’incitations fiscales sous certaines conditions.
Par ailleurs, il n’est pas certain que l’incitation du Parlement européen auprès des Etats membres à « améliorer encore l'attractivité des ELTIF, en accordant par exemple la neutralité fiscale ou des taux d'imposition nuls ou réduits sur les distributions et les plus-values » soit suivie d’effet dans la mesure où ce domaine reste un pré carré des Etats.
CACEIS suivra bien évidemment avec beaucoup d’attention les prochaines étapes législatives de cette révision du règlement ELTIF dans l’intérêt de ses clients et les en informera.